L’article, ironique, nous la présentait comme une des pin-up de la page 3 du Sun, tabloïd anglais à gros tirage, et qu’après nous avoir éclaté les yeux, elle s’apprêtait à faire de même avec nos oreilles puisqu’elle se mettait à la chanson. Je me rappelle encore de la phrase de fin : « La prochaine fois, on vous la met en 3D et on offre les mouchoirs ! » C’était en 1986 et je pensais encore qu’un mouchoir n’était là que pour essuyer ses larmes ou recueillir sa morve. Samantha allait m’apprendre une autre façon…
Comme des millions d’autres ados, découvrant à la même période que le petit robinet tout juste velu qu'ils avaient entre les jambes ne servait pas qu’à faire son pissou, j’achetais ce premier 45 tours. L’amorce de décolleté de la pochette suffisait à nous faire partir très vite. Il fallait nous comprendre. Tout le corps de Samantha Fox était une zone érogène et donnait envie à n’importe quel hétéro. Blonde, la peau très blanche, pas très grande et des formes un peu partout qu'elle dévoilait sans trop en montrer. J’avais 13 ans et la question des femmes commençait SERIEUSEMENT à me travailler. Samantha tombait à pic. De la théorie, je passais à la pratique. Seul...
Le second single, Do Ya Do Ya, fut également raflé quelques mois plus tard. Ce fut l’une des pires chansons de Sam, un truc braillard et vaguement heavy. Il faut dire aussi qu’elle était fan de hard et grande copine de Lemmy Kilminster. Aux USA, nous étions en pleine période « hard FM » avec des groupes de rock pour meufs, le genre Bon Jovi, Def Leppard, Motley Crue, Poison etc. Je détestais déjà le rock ricain et encore plus toute cette merde de travelos hirsutes et leur larsen de gratte, qui sera intégralement repompé à la fin des années 80 par les japonais pour donner naissance à leur « rock visuel » grotesque. Sam s’inscrivait dans ce registre, à son niveau… Une catastrophe donc. Cela n’empêchait pas que le single tourna beaucoup chez moi.
En deux 45 tours, la vague Samantha Fox déferla en France et, vu son passé de playmate, il était évident que des petits malins dans l’édition s’en empareraient pour faire quelques sous en publiant d’anciennes photos d’elle, à poil. Hélas, les magazines cochons des libraires, situés sur le présentoir tout en haut, nous étaient interdits de par notre âge. Ils étaient si proches et pourtant si loin. Heureusement, Rock & Folk nous vint en aide. Dans son numéro de novembre 1986, Philippe Manœuvre largua un moment sa masturbation sénile mensuelle sur ses idoles de jeunesse pour consacrer un article de plusieurs pages RICHEMENT illustré sur la belle. Jamais je n’oublierai ce numéro, qui fut le seul R&F acheté dans ma vie puisque je lisais leur concurrent Best. Enfin, je pouvais voir Samantha sous toutes les coutures, ou presque.
Grâce à ce magazine, mais aussi d’un Lui publié à la même période et obtenu je ne sais plus trop comment, Samantha Fox devint mon symbole sexuel ultime et la femme idéale pour le bouillonnant puceau frustré que j’étais. Tous les soirs, après le collège et le film, m'étant parfaitement assuré que mes géniteurs dormaient du lourd sommeil des laborieux, je sortais mes deux magazines interdits, bien planqués dans mes étagères, et Samantha passait un petit bout de temps avec moi, rien qu’avec moi.
Après plusieurs mois de quasi silence, histoire sans doute de nous reposer les glandes, elle revint pour l’été 1987 avec un nouveau single, Nothing’s Gonna Stop Me Now. Musicalement, Sam avait échangé son heavy de Prisunic pour de la pop de Monoprix, produite par l’immonde trio Stock-Aitken et Waterman (SAW). C’était la deuxième fois que j’entendais parler d’eux. La première fut pour Dead Or Alive. Constatant que le retour sur investissement n’était pas gras, SAW larguèrent la new wave pulsante et trouvèrent leur voix dans la ritournelle de camping en produisant à la chaîne les Kylie Minogue, Rick Astley, Jason Donovan et tant d’autres graisseux qui allaient se répandre comme une marée noire sur tous les charts européens jusqu’au début des années 90 et nous polluer les oreilles.
Samantha fit partie de la première charrette des "artistes" estampillés SAW. Mais, encore une fois, plus que la chanson, c’est le clip qui me fit le plus d’effet. Sam avait pris quelques kilos depuis 1986, sa silhouette s’était arrondie, ses seins avait doublé de taille, et voir ce petit boudin déambuler en maillot de bain une pièce à bandes noires et blanches au bord de la piscine, c’était… inoubliable ! Cette vision toute en courbes de la femme n’allait plus jamais me lâcher. C’est à ce moment que je devins accro à cette laitière blonde. J'aurais vendu mon âme pour la traire.
Le single marcha bien en France, ce qui fit que le Top 50 me délivrait régulièrement le clip. TV6 avait mouru l’année précédente alors que, ironie, je pouvais enfin la recevoir… Toesca était devenu notre pourvoyeur à tous en clips, écourtés suivant la pub et son bon plaisir, mais c’était toujours mieux que rien.
Autant j’avais fait l’impasse sur le premier album de Samantha, autant je me rattrapais sur le second que j’achetais des deux mains. Avec une belle pochette montrant, non pas son cul, mais son visage en gros plan, j’écoutais ce truc, qui démarrait avec une reprise de Satisfaction qui se voulait lascive et se révélait lassante...
Le reste de l’album se composait d'une bouillie pop-rock essentiellement produite par Full Force, un groupe de blackos ricains sans grand talent. Malgré ça, ce second album se révélera le meilleur de Samantha, bien emmené par le single I Surrender. La chanson a un certain rythme, ce n’est pas trop honteux. Je me souviens encore de l’attrait soudain de mon père en la voyant dans ce clip, avec son T-shirt blanc moulant.
- C’est pas mal ce qu’elle fait celle-là, c’est quoi son nom déjà ?Non papa, pas toi, pas un fan des Animals…
En 1988, les éditeurs français passèrent au stade supérieur avec Samantha en publiant quantité de hors-série et autres numéros spéciaux lui étant uniquement consacrés, et sans censure aucune. C’était du pain bénit pour moi. J’allais sur mes 16 ans et, avec la complicité amusée de ma libraire, que je connaissais très bien et qui n'était pas dupe, je pouvais acheter directement ces bouquins qui me faisaient de l’œil depuis déjà deux ans. De Lui à Pulsions, en passant par des minis recueils format poche au poster grandeur nature, me prouvant ainsi que Samantha était une vraie blonde, mes soirées étaient bien occupées…
Fin 88, réceptionnant mon premier ordinateur, un Atari ST, je me passais en boucle son troisième album, I Wanna Have Some Fun, que j'avais acquis peu de temps auparavant, pour accompagner mes premières nuits blanches sur mon sac à puces flambant neuf. Une face du disque se terminait à peine que je la retournais et ça repartait. Le gros casque sur les oreilles, je n'écoutais pas, j'entendais, c'est très différent. Pour moi, c'était juste un fond sonore mais on n'imagine pas à quel point cela peut marquer, même avec un album d'une aussi mauvaise qualité musicale que celui-ci. Les singles extraits, comme Love House ou I Only Wanna Be With You, le prouvèrent, bien que les clips (très cheap) montraient une Samantha plus que jolie de visage.
Presque 30 ans après, il me revient encore en tête des souvenirs de jeux et de listings tapés à son écoute.
Cela faisait bien trois ans que j'étais en couple avec Sam, et l'amour ne dure que trois ans comme dit l'autre poudré. Le divorce vint alors que je me mis à fréquenter-galocher-tripoter-féconder de vraies filles, réellement pour de vrai!... Maintenant, j'étais un grand et mon égérie blonde de papier me semblait bien fade à côté. C'était comme passer du pâté Olida au foie gras! Une page (de magazine cochon) venait de se tourner pour moi. Samantha Fox, c'était du passé et un passé honteux. Il fallait logiquement l'éradiquer. Un soir de 1991, j’eus une crise terrible et je détruisis tous ses disques, ainsi que bien d’autres dans le même genre. Certains furent pliés jusqu'à la rupture ou directement cassés à coups de pieds, d’autres passés à la flamme d’un briquet, les pochettes réduites en confettis. Je fis tout ça avec un sourire dément et une lueur mauvaise dans les yeux. Il fallait que je lave mon honneur musical (et sexuel) dans le sang.
30 ans après Touch Me, Sam n’a jamais basculé dans l’oubli. Sa réduction mammaire, puis son coming out, dans les années 2000, l'aidèrent bien à refaire surface. Ces annonces étonnantes ne me firent rien du tout contrairement à d’autres. Les commentaires de certains fans de la première heure me faisaient marrer. Ils parlaient de trahison, qu’ils ne la suivraient plus jamais etc. A croire que Sam leur devait quelque chose.
Je ne pense pas qu'elle soit gay au fond d'elle-même, elle le dit d'ailleurs qu'elle ne sait pas trop ce qu'elle est. Je la crois plutôt paumée, pas très heureuse dans la vie et très déçue par les hommes qui n'ont toujours vu en elle qu'un bout de viande, un trophée à accrocher à leur tableau de chasse. Mais c'était sa stratégie de comm' aussi.
Devenue une icône gay, plus pour son look que par ce qu'elle est, étant du moindre concert à tendance nostalgie des années 80, surtout en Allemagne et en Russie, elle continue son petit bonhomme de chemin et fait parler d'elle mais pas toujours avec de bonnes nouvelles. En 2015, nous apprenions qu'elle venait de perdre sa compagne.
Quand je la revois aujourd’hui, je me fais un peu pitié. Musicalement parlant, Samantha Fox, c’est zéro. Mais ça, je le savais déjà. Sa voix est pénible et les SAW et autres seconds couteaux avec lesquels elle a travaillé n'ont jamais su lui donner un seul titre potable. Je rêvais de la voir produite par les Pet Shop Boys en 87/88. Il n'y a qu'à voir ce qu’ils ont fait avec l’anorexique aphone Patsy Kensit, et qui a autant de talent que Sam dans la chanson.
Quant à son physique, je me demande bien ce que j'ai pu lui trouver. Je ne renie rien. Vu le passif que j’ai eu dessus, ses anciennes photos de pin-up me feront toujours quelque chose évidemment mais j'ai vécu depuis et je la vois d'un autre oeil. Objectivement parlant, elle n'a aucune grâce ni élégance. Il faut la voir bouger en concert, c'est très lourd. Quant à sa poitrine, c'est des oeufs au plat pour moi désormais. La seule chose qu'elle avait pour elle, c'était cette photogénie. Il émanait d'elle une lumière très sensuelle sur pas mal de clichés, nue ou pas d'ailleurs.
Avec elle, de 86 à 88, j'étais comme ces acnéiques actuellement fans de Katy Perry: j’achetais, non pas de la musique, mais juste une pochette de disque. L'adolescence, ça craint !
ah ben voilà, j'ai enfin pu savoir comment les garçons avaient vécu l'arrivée de la pulpeuse Sam dans les charts, c'était intéressant et instructif comme lecture, et très drôle aussi, comme d'hab' ! ^^
RépondreSupprimerJ'avais soigneusement occulté de ma mémoire cette gourde et je comprends pourquoi : j'ai vécu juste les mêmes choses en regardant ses clips. Mais j'avais 7 ans lol.
RépondreSupprimerOh comme j'ai pu me demander ce qui pouvait bien se passer dans ma tronche (et ailleurs lol) ça me revient maintenant en lisant ce truc. "Elle est jolie la madame", oh lala ce que mes parents ont dû se foutre de ma gueule LOL.
Pour ce qui est des œufs au plat c un peu exagéré qd même. Elle a fait son coming out parait-il, d'où son nouveau look camionneur ptê ? En tout cas son coming BACK n'a pas été un franc succès, pour sûr !