Cruciverbiste comme mon père, ma mère achetait Ok ! juste pour la traditionnelle grille de mots fléchés en fin de journal, avec un sourire ou une paire d’yeux d'un artiste du moment au milieu à deviner. Le reste, elle s’en battait les steaks, ne sachant même pas qui étaient ces jeunes éphèbes et autres pots de peinture féminins qui ornaient hebdomadairement la fine couverture de papier.
Je profitais donc de sa manie de remplir des cases avec des lettres pour lire ce canard, plutôt axé gonzesses. J’aimais bien les potins en noir et blanc des premières pages, potins repiqués à des canards anglo-saxons, chose qui n’a pas changé depuis je peux vous l'assurer.
Le reste, je m’en fichais complètement, passant sur les dossiers maquillage et mode pour des raisons évidentes. Mais j’avoue avoir eu un gros faible pour le courrier du cœur (et du cul !) du docteur G. et de sa succession de losers magnifiques se posant, dans leur langage approximatif, mille et une questions sur l’amour, le sexe et surtout sur eux-mêmes !
Cher Ok, je m’appelle Virginie, j’ai 12 ans et j’aime Morten Harket. Plus tard je veux me marier avec lui et avoir des enfants, aussi avec lui. Pourriez-vous me donner son numéro de téléphone ? J'habite en province.
Cher docteur, je me masturbe tous les jours et parfois même, plusieurs fois par jour. Je ne peux pas m’en empêcher et j’ai vraiment très peur d’épuiser ma réserve de sperme et de ne pas pouvoir avoir d’enfant plus tard. Que faire ?
Cher docteur G, j’ai 16 ans et je n’ai toujours pas de poitrine ni mes règles, je m’inquiète beaucoup, croyez-vous que c’est normal ?
Signé : Bruno.
Sur ces trois témoignages, un seul est authentique et tiré de ma mémoire perso tant cela m’avait marqué. A vous de deviner lequel.
Salut ! me plaisait bien car il faisait la part belle aux grandes photos. Le seul problème, c’est que c’était assez franchouillard. On se mangeait plus Balavoine et Goldman que Tears For Fears ou Depeche Mode...
Le Top 50 Magazine, lui, était uniquement acheté pour son poster recto-verso. C’était important pour moi, et depuis l’enfance, que de couvrir mes murs d’affiches, même si, comme Salut !, vous aviez beaucoup plus de chance de vous retrouver avec Jean-Luc Lahaye et Julie Piétri qu’autre chose.
Pour le reste, Marc Toesca et sa clique remplissait ce pauvre hebdo à l’aide de leurs stats de ventes de disques tirées des Prisunic de France et de Navarre et de quelques news et autres interviews faites avec les pieds. Pendant des mois, Toesca parla du second album solo de Sting comme « Nothing But The Sun », alors que c’était « like the sun ». Des experts…
Tout ça n’était pas gai mais ça marchait car nous étions jeunes, donc incultes et stupides, et surtout, les prix de ces torchons étaient cheap, souvent moins de 10 balles. Ok ! et le Top 50 Magazine coûtaient même 5 francs si je me rappelle bien. Un argument imparable pour un ado fauché. Pléonasme.
J’avais très régulièrement de l’argent de poche grâce à mon père. Je n’avais même pas besoin de demander. Il venait me voir dans ma chambre le soir, on discutait et il banquait avant de repartir, sans doute pour se faire pardonner qu’il n’était pas là de la journée.
Une pièce presque brillante par-ci, un billet froissé par là, je stockais tout ce blé providentiel dans une boîte en métal Marlboro. N'ayant pas été racketté à l'école ni eu de vices à entretenir, comme les paquets de bonbons quotidiens chez le boulanger, j’étais presque riche surtout lorsque que je me compare avec mes autres potes de l’époque. Riche ici veut dire que j’avais toujours en moyenne 20 balles d’avance. C’était rien et énorme en même temps pour des gamins de nos âges. Cette relative aisance financière m'autorisait parfois à me risquer sur le bizarre.
Un après-midi de janvier 1986, seul chez ma libraire, j'étais en quête de quelque chose pouvant justifier le fait de claquer les deux pièces de dix francs que j’avais en poche. Ayant épuisé les revues Lug du mois, je voulais du neuf et, comme la musique était la seule chose qui m’intéressait à ce moment là, je cherchais un autre magazine faisant la part belle aux tafioles new wave et autres ébouriffées avec du poil sous les bras.
Et pourquoi pas ce « Best » là ? La couverture montrait Sting sur un fond rose. J’aimais bien Sting à ce moment-là, c’était avant qu’il n’associe chacun de ses disques à une cause perdue… Et puis surtout, il y avait un poster dans ce magazine, The Cure, en version maquillage fluo, comme dans le clip Inbetween Days. J’avais le 45 tours en plus. Allez, même si le mag est naze, j’aurais au moins un poster d’enfer !
J’empoignais le bouquin et m’en allais le payer à la caisse. 12 francs.
Une fois rentré, j’ai commencé à le lire. Je dois admettre que les ¾ des artistes présents dans ce numéro m’étaient totalement inconnus. La transition entre Best et le Top 50 Magazine était presque violente. D’un côté, on avait Dino Lee, Falco, Killing Joke et de l’autre François Valery, Jeanne Mas et Gold…
Ce N°210 fut le démarrage pour moi de plus de cinq années à lire Best. De la lecture mais surtout de l’apprentissage. Musicalement, c’est ce magazine qui m’a fait. L’essentiel du bagage musical que je trimbale aujourd'hui, je le leur dois. J'appris à faire la différence entre la musique, la vraie, et la variété de merde. Professionnellement, ils n’ont pas contribué à ce que je devienne journaliste, vu que c’était déjà inscrit dans mon code génétique et que je le savais depuis l'âge de 6 ans, mais ils m’ont montré la voie et ont enrichi mon style.
La new wave a toujours été présente dans Best et ça m’allait très bien. Les articles de Gérard Bar-David, Emmanuelle Debaussart, Myriam Léon ou de Catherine Chantoiseau m’ouvrirent des horizons nouveaux. Même si je n’aimais pas toujours les artistes présentés, j’écoutais quand même lorsque c’était possible. Ce sont eux qui me firent découvrir, entre autre, The Smiths, New Order ou Peter Gabriel. Tout ça, je le leur dois.
Je lisais également les élégants papiers d’Hervé Picart, spécialisé dans le hard rock, style que je n'ai jamais apprécié pourtant mais acquérant tout de même ainsi une solide culture sur ces braillards chevelus. Cela me fut très utile au lycée, liant amitié avec des hardos pur jus, enchantés de voir quelqu'un dire haut et fort que Scorpions ou Europe étaient de la daube et épatés de leur parler d’autres groupes que Metallica.
J’appréciais les photos de Jean-Yves Legras illustrant le magazine avec des séances spéciales faites juste pour Best. J’ai longuement laissé accroché à l’un de mes murs les quatre posters de Depeche Mode pour l’album Music For The Masses.
Tout n’était pas que joie et bonheur quand même. Les vieux cons façon Philippe Manœuvre étaient déjà là et squattaient la rédaction, parfois à haut niveau. Prisonniers à vie de leurs années 60/70, ils vomissaient copieusement sur le son des années 80. Mais qu’importe. Il suffisait de repérer leurs noms et de ne pas les lire.
Le virage des années 90 eut raison de mon engouement pour Best. La new wave était morte et mes chroniqueurs préférés étaient relégués sur le banc de touche pour laisser place à des baltringues branchouilles façon Inrockuptibles ne jurant que par du rap ou le son anglais de ces années là, les Suede, Stone Roses, Soup Dragons, sans parler de la house puis techno qui nous cassa les oreilles et détruisit, à mon sens, la musique mélodique et dévoya l’électronique. Je n'avais plus besoin de Best et pouvais voler de mes propres ailes.
Quelques années plus tard, ce fut mon tour de publier dans des revues spécialisées des chroniques musicales. Je suis le fils de mes lectures.
Bien sympa cet article souvenirs sur les magazines musicaux de l'époque. J'avoue que moi on m'achetait Top 50 toutes les semaines et ça me suffisait, je n'étais pas une grande lectrice. Je regrette de ne pas avoir connu BEST à l'époque du coup. Je n'aimais pas les magazines axés filles car les sujets étaient trop "culcul" : maquillage, mode etc... ça m'a toujours barbée.
RépondreSupprimer"Nothing but the sun" ....eh oui je m'en souviens bien. Dans ma tete d'ado, je ne comprenais pas qu'il se trompait. J'allais jusqu'à penser que l'erreur etait sur la pochette de l'album de Sting. De là à penser que marc Toesca était un influenceur sur ce qu'on ecoutait, on en est pasloin. C'est peut-être pour cette raison que Marillion, par exemple (sur une des couvertures) n'a pas vraiment percé en France alors qu'il dépassait un bon nombre de banalités. Et malheureusement, cela continue encore. Le paysage musical continue encore à nous etre dicté. On est pas pres d'écouter Anathema sur les ondes.
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