La visite médicale de l’école, passage obligé et depuis fort longtemps. Mon père me racontait que, lui-même étant gosse, avait subi ce genre d’examen hygiénique. Dans les bourgs français les plus reculés des années 50, il y avait du boulot. En général, on avertissait les gamins crottés que le lendemain, on leur inspecterait le pied gauche. Les idiots du village s’en allaient se le laver avec frénésie pour être irréprochables. Et le lendemain, on leur disait que finalement, ce serait le pied droit… Ne riez pas, la plupart se faisaient avoir.
Une fois sur place, et l’appel de fait, on nous conduisit dans un coin de l’établissement puis on sépara les garçons et les filles et chacun s’en alla se désaper dans son vestiaire commun pour se retrouver en slip et attendre son tour. Nous n’oublions pas d’extraire de notre cartable, en plus de notre carnet de santé, la chose tout à fait improbable que l’on nous avait demandé d’amener : un échantillon d’urine.
On n’avait pas l’air con avec, chacun à la main, notre bouteille de pisse que l'on nous avait demandé de remplir impérativement au saut du lit. C'était sans doute la première fois de ma vie que je pissais dans autre chose que des toilettes. Pour un garçon, l'opération de mise en fut était assez simple mais on se demandait comment faisaient les filles.
La dite bouteille variait selon les milieux. Coca, eau minérale mais aussi litron de rouge étoilé, apéritif... Tout cela était des indices sur l’ambiance familiale du porteur d’eau viciée. La mienne a souvent été une de ces petites bouteilles contenant de l’alcool à 60° achetée chez le pharmacien. Je me souviens d’un mec qui avait amené un litre de Contrex en plastique, avec encore l’étiquette autour, et quasiment plein à rabord…
Puis mon tour vint. Je me retrouvais devant un jury féminin, dans une grande pièce très éclairée par des néons en bande au plafond, et ma bouteille à la main que l’on me rafla de suite. Ces espèces de bonnes femmes sévères en blouse blanche, sèches bien qu’obèses pour la plupart, formaient le cabinet. Des ratés de la médecine m’a-t-on toujours répété.
Pendant que l’une trempait un bout de papier dans mon pissou du jour, vérifiant ainsi le taux d’albumine, une autre, encastrée dans une chaise en bois bien trop petite pour son large fessier, me questionnait tout en épluchant mon carnet de santé. Si j’allais bien, si j’avais pas mal quelque part, blablabla… Qu’est-ce que ça peut te foutre ?
On enchaîna avec le stéthoscope glacé sur ma poitrine nue et glabre suivie d'une séance de lecture sur un tableau de lettres un œil caché, le truc classique. J’étais loin de me douter que, chaque année, le même cérémonial recommencerait et se prolongerait jusqu’au collège, et toujours avec le même genre de rombières ne doutant de rien. Une année, l'une d'elle me détecta « une grave scoliose de la colonne vertébrale » juste en me passant son pouce dans le dos… En 5e, alors que je m’étais laissé aller cette année là du fait d’une gourmandise excessive toute française, je fus accueilli en entrant dans la pièce par un vibrant :
- Tu es gros toi!
Quel tact ! Je la regardais. Blonde décapée, probablement à l'eau oxygénée, laide et pesant au minimum 130 kg. J’étais encore un gentil petit garçon à l’époque et on m’avait éduqué dans le trip qu’il ne fallait pas répondre aux adultes. La meilleure éducation pour se faire marcher dessus ensuite... Mes pouvoirs de mutant sur la répartie cinglante allaient se manifester et me sauver l'année suivante.
Finalement, je préférais avoir cours.
Je me souviens de la visite médicale de seconde : un copain en revenait et nous glisse comme s'il avait passé un oral du bac "Attention, elle palpe les boules!"
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