En 1985, la new wave était déjà morte, tuée par l’usure du temps et la vague italo-dance qui repiquait ses recettes depuis 1983 pour en faire une soupe claire et indigeste à destination des campings. La plupart des artistes phare de ce style avaient soit coulé, soit adapté dans l’urgence leur musique pour survivre, en ajoutant de plus en plus d’instruments traditionnels (guitares, batterie), tout en ne se rendant pas compte que cela accélérerait leur déclin.
Dans cette atmosphère confinant presque à la veillée funèbre, et alors que personne ne s’y attendait, quatre jeunes gens modernes issus de Düsseldorf réanimèrent la flamme en assénant un coup magistral.
Propaganda. Un nom lourd de conséquences, encore plus pour un groupe allemand. Composé de Ralf Dörper, bricoleur sonore habitué aux musiques électroniques, de Michael Mertens, musicien classique professionnel, et de deux chanteuses, Suzanne Freytag et Claudia Brücken, ce quatuor allait démontrer en l’espace de deux petites années qui étaient les véritables patrons.
Produit par Trevor Horn (ABC, Buggles), bénéficiant des dernières technologies de studio de l’époque (PPG Wave 2.2 et Synclavier en tête), A Secret Wish est un monument, quelque chose d’énorme, de majestueux, presque de divin. Les différents morceaux ne vous invitent pas, ils vous prennent. Chaque chanson est ciselée au millimètre, on reconnaît de suite la rigueur allemande, rien ne dépasse, tout est carré et pourtant, rien n’est surproduit et ne pue pas la démo de synthé comme ont pu le faire bien des artistes à ce moment-là. Les textes sont intelligents, la musique maîtrisée et imparable, le design très travaillé mais sans provocation. C’est là toute la différence entre eux et Frankie Goes To Hollywood, produit par le même Horn et issu de la même maison de disques, ZTT. Ici, point de coup marketing et autres slips en cuir. Les membres de Propaganda étaient de vrais musiciens. La différence saute aux oreilles de suite.
Le groupe s’était fait connaître en 1984 avec Duel, chanson « honteusement pop » dira Suzanne par la suite. Jusque là, rien de bien excitant. Il montrera toute sa puissance sonore l’année suivante avec le second single, P : Machinery, qui vous écrase littéralement de par son refrain symphonique. Il s’insinuera durablement dans les têtes de toute une génération pour avoir été le jingle de bien des radios et autres télés. Son clip bizarre marquera votre serviteur à jamais. Frozen Faces, sa face B pour le 45 tours, et présente sur l’album, vous expédie directement à la morgue avec son intro glaciale et permet à la jolie Suzanne de donner de la voix et d’exister face à Claudia, la chanteuse principale.
Plus que les singles, comme bien souvent, c'est l'album en lui-même qui montre tout le talent du groupe. Sa conclusion, Dr. Mabuse, épopée de 10 mn noire comme le charbon, vaut à elle seule son achat. C'est beau, grandiose, sombre, désespéré, tragique. Vous en sortirez sonné tant le coup de massue sera brutal et vous en redemanderez !
Martin Gore de Depeche Mode, vivant à Berlin à cette période, se passionnera pour le groupe. Il pouvait. A ce moment-là, Propaganda dominait largement DM de par sa musique et son esthétique.
Le groupe explosera dès 1986 pour cause d’incompatibilité de caractères, en particulier entre Claudia et Ralf, sans parler de contrats merdeux signés avec la maison de disques qui spoliera le quatuor de la moindre royalties pendant plus de dix ans. Il continuera pourtant au début des années 90, et avec succès en Angleterre ou en Amérique du Sud, avec juste Michael de la formation d’origine et une nouvelle chanteuse, avant de splitter à nouveau.
Désormais tous réconciliés et prêts à remettre ça, le Propaganda d’origine n’est plus dans les petits papiers des maisons de disques et attend qu’on lui fasse signe… Un gâchis monumental.
Un album phare dans une discographie new wave, presque un OVNI au milieu de tous ces groupes célèbres pour des mélodies à deux notes ou simplement un brushing improbable.
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