VAMOS A LA PLAYA OH OH OH OHHHHHHHHHHHHHHHH

1er juillet 1988

Chapitre 1 : le maillot de bain

C’est quand même un élément essentiel de la panoplie de vacances. On ne badine pas avec le maillot de bain. On se prépare longtemps à l’avance psychologiquement et physiquement.
On a acheté tous les Elle et Marie-Claire, Maxi et Femme Actuelle depuis le mois d’avril pour savoir quelles seront les tendances. On a vu des trucs ahurissants de génialitude et on se dit que là, on va franchement marquer les esprits sur la plage !
C’est donc d’un pas conquérant qu’on se dirige vers le magasin pour mettre la main sur les merveilles vues dans le journal.

À l’arrivée, une marée humaine de bonnes femmes campe déjà sur les lieux et surtout occupe les cabines. La gueule des rayons fait plaisir à voir. Tout est foutu en vrac et remis à la beurzoufette. No problemo, Margaux, tu vas trouver ton bonheur si tu fais du 85A de poitrine et du 56 de culotte au moment d’acheter ton bikini. Tu te dis que tu t’en fous puisque le bikini est proscrit forbidden vu que tu as un peu abusé du mix liégeois au chocolat/Savane et donc tu vas plutôt zoomer sur les maillots une pièce.


Au premier abord, c’est d’un œil circonspect que tu compares tes souvenirs de magazines et ce que tu as sous les yeux. C’était chatoyant, mauve ou rose, échancré et décolleté jusqu’aux orteils. Mais ça c’est dans le magazine, parce que ce que tu vois là, c’est un ravissant coloris bleu canard qui aurait copulé avec un Schtroumpf constipé, c’est échancré très loin sous la fesse, le devant est renforcé et plissé pour faire oublier qu’une part des plis vient de cet empaffé de Savane et le décolleté est fièrement projeté en avant par les armatures qui ont dû être extraites des corsets de la reine Victoria. En résumé, tu pensais attendre 87 ans avant de faire fondre ta gaine devant une création aussi audacieuse. Tu passes donc au suivant. Et le suivant, ben ….tu le cherches…avant d’apercevoir un morceau jaune fluo (1988 quoi merde!) qui est planqué tout au fond de la rangée de maillots pour fans de Jack Lantier. Et là, tu sens un formidable sentiment de toute-puissance s’emparer de tout ton être. Une grel---grogras---radass---fille a cru pouvoir planquer cette beauté et revenir plus tard le montrer à sa copine avant d’acheter hein ? Que nenni, Virginie ! Va te faire lutiner les fraises, Thérèse ! Ton plan a échoué !

Et dans un râle de bonheur proche du grognement rauquisant, tu extrais ce formidable, magnifique, forcément chiadé maillot jaune fluo et tu le brandis vers le ciel dans un cri d’extase qui se termine en couinement hoquetant et suffoqué… Bordel de chierie de merde ! C’est un 40 que tu vois là sur l’étiquette ? C’est une plaisanterie du Bon Dieu ? Y’a l’équipe de Caméra Cachée qui est en planque derrière le poteau ? C’est une manœuvre infamante pour te rappeler ce que tu ne sais que trop …..tu fais un choupinou 44 !
Bon ! Affolons-nous pas ! On va chercher un peu et trouver le reste de la collection qui nous attend sagement en taille 44.

Après 45 minutes de recherches rageuses accompagnées d’une perte totale de dignité (se foutre à 4 pattes et sortir un cintre pour racler sous les bacs de fringues pour tenter d’en ramener autre chose que 3 tonnes de poussière, 3 mites et une araignée n’aide pas, il faut bien l’avouer), on doit arriver à cette funeste conclusion. Ce maillot il est tout seul et on va devoir rentrer dedans !
On se dirige donc vers les cabines qui sentent la belette en rut 300 mètres avant d’y arriver et on fait la queue et on attend…dans une chaleur de four, avec des chiards qui courent en hurlant et qu’on a envie d’empaler avec le cintre à poussière et on attend. A croire que les bonnes femmes dans les cabines essaient la totalité de la garde-robe de Lady Di…. Enfin, une cabine se libère et on se rue. Et on manque de mourir sous les odeurs de pieds et de « parfum que c’est le même que la marque mais je l’ai acheté au marché pour moitié prix ». On lâche son sac pour chercher fébrilement un kleenex à dépiauter pour se mettre des chandelles dans le nez mais on doit se rendre à l’évidence, on a utilisé le dernier kleenex pour se boucher les oreilles dans la file d’attente.
Ainsi donc…rouge brique grâce à la chaleur, en nage, les cheveux qui collent au front et le mascara qui poisse, des bouts de kleenex dans le nez, on se met en sous-vêtements (putain mais y’a un trou dans ma culotte) et on enfile le merveilleux maillot.
Enfin ….

On s’assoit sur le tabouret en bois et on met les pieds dans les trous sans être bien sûr que ce sont les trous pour les jambes vu l’échancrure du truc….. on s’engage donc gaillardement et on lève le machin jusqu’à mi-cuisse, stade à partir duquel il refuse de monter d’un centimètre ! Rien à faire …ça glisse pas…ahhhhhhhhhhh glisser ? On se passe donc la main sous les aisselles et on se tartine les cuisses avant de se mettre debout. Et là on entend un craquement mais on tiiiiiiiiiiiiiiiiiiireeeeeeeeeee et on tireeeeeeeeeeeeeeeeee et le machin d’un coup arrive jusqu’à l’entrejambe ! Et là on regarde la glace dans la cabine et là …………… je résume : une culotte à trous d’un blanc cassé est donc surmontée d’un truc jaune fluo qui couvre la moitié du pubis à peine et qui, derrière, est avalé par les fesses fermement culottées. A ce point-là, employer le verbe boudiner serait faire injure au Cercle des amateurs de boudin pour 5 générations au moins. C’est indescriptible ! Ah on voulait de l’échancré, on en a. On décide d’aller au bout de l’ignominie et on enfile les bretelles. C’est le summum. On couvre les seins... Enfin, on couvre une partie des seins... Enfin on couvre le téton... Amis du Cercle des amateurs de boudin, je n’ose même plus faire appel à vous. On a dépassé ce stade. Bon et puis merde. On va le retirer et tenter un autre magasin. On retire d’un coup sec le haut mais pour le bas accroche-toi Pamela ! On se lance donc dans une soca dance effrénée pendant que les radasses au dehors menacent d’ouvrir le rideau vu que ça fait 2h58 qu’on est là-dedans et que ça commence à bien faire. On tire enfin d’un coup sec et on réalise dans un grand cri de marsupial eunuquisé que le machin en plastique autocollant qui protège l’entre jambe avait collé aux poils de l’intimité la plus intime et qu’on vient donc de s’arracher d’un coup tous les poils à l’ouest de la cuisse gauche. Finalement après avoir bavé de douleur et s’être mouché dans le rideau, on admet que ça fera des économies d’esthéticienne.

On se rhabille et on sort sous les jets de cintres et de kleenex usagés. Et on file à la caisse parce qu’on n’a pas fait tout ça pour repartir sans rien. On va arrêter le Savane et on pourra le mettre ce maillot !

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