DÎNER DE FAMILLE HIVERNAL EN PROVINCE

On prend la voiture et on part dans l’Est. Il neige. Il pèle. On a emmené les pulls tricotés par l’une des grand-mères parce que donc il pèle et surtout qu’il faut les sortir et les montrer si on ne veut pas provoquer d’incident diplomatique. On a pris les moon boots même si j’ai juré sur la tête de George Michael que je ne mettrais jamais ces machins horribles pour sortir en public (me direz-vous je ne suis pas sûre d’avoir eu envie de les garder à la maison non plus). On a pris le bonnet qui gratte et menacé de se suicider si on prononçait une fois encore le mot cagoule. On a pris les gants en laine kaki qui font transpirer les mains et électrisent les cheveux. On a pris le moche anorak de ski qui ne devrait jamais quitter les armoires sauf pour aller skier. Ce machin informe à fond gris traversé de bandes vertes et rouges qui ne va avec rien des vêtements « civils ». On le ferme très haut sous le menton et on se retrouve avec des bajoues de hamster rougies par le froid. Le haut du visage est caché par le bonnet enfoncé jusqu’aux yeux. On se dit que merci mon dieu on a échappé aux lunettes de ski…


On s’enrhume à tous les coups parce que l’organisme a oublié les gènes de l’Est pour devenir parisien et que le choc des températures est cataclysmique. Dans les maisons, il fait 108° au bas mot grâce au poêle à bois ou à la cheminée, qu’on s’installe pour causer sur le canapé devant la cheminée, qu’on perd 92 % des réserves en eau du corps à rester là sans bouger…à sentir les cheveux qui poissent et la petite culotte qui fond sous le pantalon matelassé.
On se rend compte tout à coup qu’il fait nuit, qu’on nous attend pour manger à 19 heures, qu’il est 20h30, qu’on va se faire scalper par la génitrice de la génération d’avant nos parents. On se rue dehors en enfilant l’anorak moche et wouch ! le choc ! Quand le corps compare la température de cheminée et celle du dehors et que le nez, les doigts et les oreilles tombent instantanément sur le sol gelé ! Pour les oreilles, c’est pas un mal, ça nous laisse une chance de ne pas entendre les hululements grand-maternels quand on arrivera à la maison et qu’elle aura dû réchauffer un soufflé alors que bon sang, tout le monde le sait, un soufflé ça ne se réchauffe pas !

On n’aura fait aucun exercice de la journée sauf pour endurer la cheminée et on sait déjà que la soirée va être longue. Parce qu’en province, quand on se met à table, on se met à table. Nous les parisiens on est trop maigres mais la grand-maman a reçu des dieux de l’Olympe une mission sacrée : nous remplumer ! On attaque par le plateau de crudités qui ne va nulle part sans son cousin le plateau de charcuteries. Ledit plateau, juste pour se mettre en bouche comporte des œufs en gelée (saumon ou jambon, y’a le choix des fois qu’on défaille avant d’arriver à l’assiette), des rillettes (une tranche plus épaisse que la table), du saucisson (sec et à l’ail pour ne fâcher personne), du jambon, du pâté de foie (qu’est-ce qu’un repas de famille sans pâté de foie?) et le tout accompagné de 3 baguettes voire du beurre si on a été sage.


On embraye sur un lapin en cocotte, je fais une crise que je refuse de manger du lapin, j’ai donc droit à une assiette pleine de légumes ET la sauce du lapin parce que quand même quoi merde, il ne sera pas dit que je n’aurais pas absorbé une partie des fluides dudit lagomorphe.
Le plateau de fromages est un charmant mélange de morceaux à ce point faits qu’ils s’écroulent sur le plateau à en rouler hors de l’assiette, de morceaux qui agressent tellement les facultés olfactives qu’ils dorment sur le rebord de la fenêtre de la cuisine depuis 3 jours et enfin de machins interdits par la Convention de Genève vu qu’ils sont couverts de choses qui ne vont pas tarder à évoluer et commencent déjà à tressaillir sur les bords.


Il ne reste plus qu’à en terminer avec la mousse au chocolat et la brioche pour se diriger lentement mais sûrement vers la tisane digestive elle-même suivie par les pastilles Vichy. Et hop ! Au lit ! Au retour des vacances : + 17 kilos !

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